Paul Schilder, qui avait inventé l'expression « image du corps » en 1935, (105) insiste sur la souplesse, sur la malléabilité de l'image du corps que habituellement on perçoit comme rigide ( tout comme notre squelette). Il démontra que l'image du corps se construit en fonction d'empreintes dès l'enfance, de relations avec les autres – de relations libidinales et également en fonction de différentes représentations sociales. C'est la réification stéréotypée, et rigide de surcroît, de l'image du corps de la femme que décrit la Baronne d'Orchamps. « Instrument de volupté » comme elle l'appelle, elle doit être conforme à des modèles élaborés jusqu'aux plus petits détails. Contrairement à l'amoureuse redoutable, agressive, la bonne amoureuse a une tête relativement petite, des traits irréguliers, des joues pleines sans brusque saillie, le front peu élevé et arrondi : c'est un visage de poupée que peint la Baronne. La paupière est arrondie, assez épaisse ; les lignes des sourcils sont nettement séparées, le nez est droit, assez grand, arrondi à l'extrémité, aux ailes mobiles ; l'ouverture des narines est ronde. La bouche est petite, les lèvres charnues, la lèvre inférieure déborde sur la supérieure. (cela préfigure Brigitte Bardot). Au milieu des lèvres, il y a une dépression très sensuelle. Les dents sont parfaites, d'un ivoire bleuté, les gencives roses. Le regard est loyal, humide et souriant. ( C'est le regard d'un esclave). La peau doit être fraîche, la taille doit être sensiblement égale à huit fois la hauteur de la tête, la taille mesurera deux fois le tour du cou, la saillie des hanches doit marquer la moitié du corps. L'harmonie de la poitrine exige que les seins, de grosseur moyenne, soient plantés sur la poitrine de façon à ce que l'intervalle qui les sépare corresponde exactement à l'espace qu'occuperait un troisième sein de même dimension, et que l'espace compris entre les deux mamelons corresponde à l'intervalle qui, en ligne droite sépare chacun d'eux de la cavité claviculaire correspondante.
Evidemment, tout le monde ne peut être conforme à ces modèles, mais chacune peut tirer avantage de sa propre constitution pour séduire l'homme. Que la plantureuse se réjouisse, Alexandre Dumas a dit : « Quand on aime une femme, plus il y en a, mieux ça vaut ». Mais que les minces se consolent : l'aisance de leurs mouvements rend leur séduction plus active.
La brune emprunte au sombre mystère de son masque une sorte de majesté, alors que le teint coloré de la blonde ressemble « aux roses à la pureté liliale ». Sans doute, les grandes femmes attirent irrésistiblement les hommes – mais la petite excellera jusqu'à exagérer sa petitesse « à l'heure des tendresses, afin de se blottir plus étroitement et d'être pour ainsi dire plus totalement prise ».
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