Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.82

Peu importe qui a inventé ce discours du pauvre incapable, passif, dépensier, mais c'est ainsi qu'on voit l'ouvrier, c'est également ainsi qu'il se voit, et de ce fait il est effectivement ainsi. C'est un être différent, qui vit sur une autre planète, dont le corps, les besoins sont également différents.C'est ce que reflète l'ouvrage du Dr. P. Bobier. (170 ).. C'est la misère parisienne des logements ouvriers qui constitue la préoccupation principale de son ouvrage. Les logements sont insalubres à Paris, les ouvriers montent de la campagne, s'entassent dans ces logements, contractent la tuberculose, les enfants aussi «  et on prétend que c'est l'hérédité. »

Un médecin , dans le quartier St. Séverin, a fait une enquête pendant dix ans et a observé un grand nombre de maisons : entre ces bâtisses, dit-il, de sombres courettes, véritables puisards, permettent de s'ouvrir aux fenêtres des corps de bâtiment plus récents, non pour leur donner air et lumière, mais y laisser entrer l'air souillé de toutes les poussières, de tous les détritus qui tombent de chaque logement dans ces indescriptibles cloaques. Les courettes sont couvertes jusqu'au premier étage. Le couloir qui conduit aux escaliers, devient alors un long boyau obscur parfois 14 m de long. Les latrines s'ouvrent dans l'escalier ; la cage d'escalier est comme une cheminée d'appel. Des odeurs nauséabondes, une atmosphère viciée, empestée y règnent. C'est un mélange de gaz, de poussières microbiennes desséchées, de débris épidermiques, de souillures par vêtements, d'immondices, de pollution de l'éclairage actif du chauffage, de vapeurs d'eau. Les escaliers sont souillés d'ordures ; les tentures sont sales, on bataille avec des hôtes incommodes, sanglants. Que propose notre auteur comme remède ? D'abord, une organisation rationnelle de la société, à commencer par le logement patronal : il faut attirer les ouvriers vers la périphérie des villes, en créant des moyens de transport rapides et peu coûteux, « bien que l'ouvrier, d'une façon générale, regarde de mauvais œil les cités spéciales où il croit qu'on veut le reléguer ! » (171)/ Sur une échelle beaucoup plus petite, il prodigue ses conseils pratiques, pleins de bienveillance, aux ouvriers miséreux : il faut aérer, ventiler, ouvrir les escaliers ; il faudrait aussi de la lumière, des fenêtres bien conçues, une hygiène du vêtement. La qualité des vêtements du dessous importe : il faut de la laine, de la soie, du coton, du lin. La laine est très bien, mais « si on l'applique directement sur la peau, elle présente l'inconvénient de produire une forte irritation.(…) Cependant, les ouvriers ont en général la peau assez obtuse pour ne pas être incommodés par la laine ».(172)



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