Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.81

« D'où vient que beaucoup d'ouvriers sont menacés de tomber dans la misère ? » « De ce que, la plupart du temps, ils n'ont pas su, ni voulu mesurer leurs dépenses à leur salaire, et qu'ils ne se sont point gardé « une poire pour la soif »(...) « Quelle doit être la conduite des ouvriers vis-à-vis de leurs patrons ? » « Les ouvriers sont tenus au respect envers des hommes qui sont leurs chefs naturels, puisque pour toute forme d'action ou de production, il faut se donner des chefs ; et ils doivent se garder de les mépriser dans leurs discours surtout si ces patrons se montrent justes et impartiaux ». (167)

Ce sont donc les ouvriers qui doivent se garder de mépriser les patrons, et non inversement ! Curieux renversement des rôles, mais il n'est pas le seul :


« Vaut-il mieux être ouvrier que patron ? » « Ça dépend ! Etre patron, c'est, en apparence du moins, être supérieur et mener une vie plus facile ; mais c'est souvent aussi s'exposer à de mauvaises affaires, à la faillite quelquefois, toujours aux soucis et aux tracas. Dès lors, je pense que moi, qui suis un ouvrier dans une usine où naguère nous étions cinq cents ouvriers, alors que la crise industrielle en a réduit le nombre à trois cents, je ne dois pas me plaindre de mon sort ni envier le sort du patron que je sers et qui me sert. » (168 )


Il vaut donc mieux être un pauvre ouvrier qu'un patron, bien que ce catéchisme le dépeigne comme un être lamentable qui par exemple, « dépense à mesure qu'il possède, souvent sans prudence et avec excès ». C'est de sa faute s'il ne possède pas de fortune : (selon un préjugé trop répandu, l'ouvrier français dépense tout son salaire pour des repas copieux) ; il est imprévoyant, incapable d'économiser et d'avoir une alimentation équilibrée qui devrait être saine et substantielle pour réparer ses forces épuisées par le travail. Selon le catéchisme, on a essayé de fonder des restaurants populaires, mais ces restaurants n'ont pas marché « parce que les ouvriers n'ont pas su s'entendre entre eux. ».


« Vous seriez donc opposé à ce que l'ouvrier ne travaille que huit heures par jour ? » « Je ne dis pas cela, au contraire, j'estime que huit heures de travail manuel correspondent aux forces physiques de l'homme et peuvent suffire ; mais d'un autre côté, ces huit heures ne laisseraient-elles pas trop de loisirs à l'ouvrier ? » (…) « Mais si l'ouvrier trouvait, dans les huit heures de loisir, la possibilité d'un développement intellectuel, des relations sociales, etc ? «  (…) Mais en fait croyez-vous que beaucoup d'ouvriers auraient le goût de s'instruire ? Si vous leur parliez d'employer à l'étude les huit heures que l'atelier leur laisserait libres, ils nous répondraient qu'ils ne se sentent pas l'aptitude à devenir des savants (…). Qu'est-ce que la plupart des ouvriers feraient de huit heures de loisir ? Un petit nombre seulement en profiterait pour s'instruire et pour ceux-là nous souhaitons qu'ils puissent disposer de huit heures de loisir. Quant aux autres, hélas ! J'ai bien peur qu'ils ne profitent de leurs loisirs que pour aller davantage au cabaret et le cabaret trop fréquenté est la principale cause de la misère et de la démoralisation de la classe ouvrière .» (169).



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