Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.10

Un médecin, dans un journal à Paris, a qualifié quelqu'un d' »imbécile ». Il a été condamné pour délit de diffamation ou l'imputation d'un fait portant atteinte à l'honneur et à la conscience, alors que l'injure est « l'expression outrageante ». Il semble difficile de discerner les limites où se sépare la diffamation de l'insaisissable « honneur » et la simple injure, mais le tribunal s'en est chargé.(17)

Malgré des tentatives de répression, le duel continue à fleurir. En 1906, une proposition de loi est déposée à la Chambre des députés à Paris concernant la répression du duel, mais elle n'est pas votée et par conséquent n'est pas mise en application. Cette proposition prévoit pour tout duelliste de fortes amendes ou la prison et en cas de blessure ou de mort, des amendes et l'emprisonnement doublés ou triplés. On propose l'interdiction aux journaux de publier des comptes rendus et des procès-verbaux de duels. De toute manière, ces comptes rendus sont assez succinctes et ce qui importe, c'est la mention du nom des partenaires.(18)

Les suicides ont souvent pour motif la réparation de l'honneur. Il est de coutume de laisser une lettre lorsqu'on se suicide, avec le motifs du suicide ( maladie, solitude ou l'honneur...) Le Soir (19) fait part d'un « double suicide à Toulouse. Ce soir on a retrouvé rue d'Astorg les cadavres d'Emile M. étudiant et d'Anna G. La mort remontait à plusieurs jours. Anna G. était enceinte ».



Les journaux couvrent les circonstances des suicides des gens de bonne famille d'un silence absolu, ne détaillant que les suicides de pauvres gens désespérés. Les lettres de congé des autres personnes sont sévèrement gardées dans les archives des commissariats de police des quartiers parisiens où elles sont détruites tous les dix ans. Car, bien que l'intention du suicidé eût été souvent la réparation de son honneur, l'acte de suicide en lui-même a également un aspect de lâcheté, de fuite devant les responsabilités que tout homme doit assumer. La honte de son acte pourrait retomber sur ses proches que l'on entend protéger par le secret.

Dans 6 heures. La Salle d'armes (20) Georges Ohnet, écrivain connu à l'époque, restitue avec une vivacité extraordinaire l'ambiance des salles d'escrime. Un petit baron court sur pattes s'écroule, suant et hors d'haleine après l'exercice, sur un divan de la salle d'armes vaste et luxueuse où plusieurs reprises de fleuret ou d'épée sont engagées. Pendant que les femmes des escrimeurs, élégantes, bavardent dans les salons en prenant le thé avec leur flirt, les maris



« comme le gros baron, arrosaient de leur sueur le plancher uni (…) C'était l'heure charmante où, la journée terminée, pour les gens occupés et pour les gens oisifs, chacun n'a plus à penser qu'à la distraction (…) Le notaire et le banquier qui ont fui leur cabinet, le peintre (…) l'homme de lettres las de raffiner sur les sentiments, se sentent pris de besoin de violents exercices «  (21)




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