Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.101

ANNEXES


1./ Par vocation, vie et et aventures d'un soldat de fortune 1870-1895 :

L'AUTOBIOGRAPHIE DU LIEUTENANT COLONEL PEROZ .(246)


Il est né à Vesoul, d'un père magistrat qui regrettera toute sa vie de ne pas être entré à l'armée. Le fils avait douze ans en 1870 lorsque le désordre et l'indiscipline régnaient à Vesoul. Un jour, il entend chanter la Marseillaise. « Et puis, cette Marseillaise ! Nous ne l'avions jamais entendue. Le chant nous paraissait beau, mais ses accents nous laissaient dans une sorte d'indéfinissable malaise. En Crimée, en Algérie, en Italie, on ne l'avait point chantée (…) Instinctivement la Marseillaise sortie de tels gosiers et dans un pareil décor, nous causait une impression presque douloureuse. Il semblait qu'elle nous parlait de journées sanglantes et et de massacres »(p. 9). Or, un jour, le garçon entend que nous sommes battus ; Mac Mahon est en retraite sur les Vosges. «  Battus ! En retraite ! Nous les Français ! Par des Prussiens, devant des Prussiens ! Et j'éclatai en sanglots, comme sanglote l'enfance, à gros hoquets, à moitié étouffé, pâmé, défaillant ».Ce fut un tel choc pour lui que même aujourd'hui il en porte les traces irrécusables. Il pleure toute la nuit, puis, au lycée, il organise une petite armée pour défendre la patrie. Ils assemblent des armes ( de vieilles épées, etc.) et s'exercent. Le père rentre de Lyon et raconte la proclamation de la République. p. 15 : « La populace affluant au centre de la ville et se livrant à de honteux désordres, les magasins d'armes pillées, les fusils et les munitions destinés à l'armement de la garde mobile jetés par les fenêtres de la mairie, volés par les révolutionnaires... pendant qu'il parlait on entendait dans la rue, sous nos fenêtres, des cris, des vociférations, de chant de la Marseillaise clamé par des ivrognes. Une bande avinée remontait le bourg ».

Le garçon est mis au Lycée de Vesoul. Il manifeste très tôt un tempérament combatif : « Provoquant, provoqué, j'étais toujours prêt aux coups. Nous nous rossions d'importance dans tous les coins des cours ». Bientôt, les maîtres y prennent garde, car des élèves doivent se faire soigner à l'infirmerie, et les garçons décident de trouver un moyen pour vider impunément leurs différends : ils décident qu'ils se battront les jours de sortie, le jeudi, et que « tout comme aux temps homériques, un combat singulier entre les chefs établirait fort convenablement la situation des deux partis ». La rencontre se déroule près des vieilles murailles de la ville, sans armes, mais avec des conditions sévères : p. 105 : « Torse nu, nous devions continuer la lutte jusqu'à ce qu'un des adversaires fût hors combat (…) Un vrai duel, par ma foi ». (Et dans la vie de Péroz, ce sera le premier d'une très longue série). Il fait un temps magnifique, une fraîcheur délicieuse baigne le carré d'ombre autour duquel brille le soleil : « A la vue du torse râblé de mon adversaire où déjà les muscles saillaient, je fus saisi d'une vive émotion. J'étais très grand pour mon âge, très élancé, mais frêle avec les os grêles. (…) Ma main convulsivement serrée s'abat sur sa nuque dans le tournoiement de mon grand bras avant qu'il ait repris l'équilibre, ce choc s'ajoutant à l'impulsion de son bond le jette à terre, étendu (…) Sa figure et sa poitrine se marbraient de taches rouges et bleues ; sa respiration était haletante, oppressée (p. 107). Et moi, le vainqueur, de le voir pleurer, je suis profondément bouleversé, très ému, je l'étreins amicalement ».


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