Et l'offensive Samory continue : (p. 367) : « comme un meuglement le commandement de « feu » s'abat sur le rempart(...) les canons vomissent leurs grondantes nappes de balles (…) sous cette trombe subite de fer et de plomb, une large clairière s'est ouverte au milieu des assaillants ; cadavres et blessés se sont renversés les uns sur les autres, amoncelés par place en tas secoués par des soubresauts d'agonie » (…) Au dehors, une deuxième décharge des pièces et le feu rapide continu des soixante fusils qui convergent sur la courtine ont fait place nette. Des loques humaines (p. 368) misérables s'agitent, à demi empalés, dans les abatis ; d'autres les sens perdus, foncent droit devant eux et tombent, du haut des rochers, sur la dalle ferrugineuse de la plaine où ils s'écrasent ; quelques uns, résignés, sont accroupis et marmottent des prières (…) partout, des corps allongés et immobiles ou recroquevillés, ployés en deux par la douleur. Des corps de suppliciés pendent là-haut, balancés par la brise » ou, (p. 370) « nous mettions en joue, je sifflais légèrement, et les vingt fusils détonaient au milieu de la nuit calme ; dans l'obscurité et le silence, nos balles sifflaient, stridentes. Les sofas, relevés d'un seul coup en sursaut, le fusil en main, ahuris et désorientés, épaulaient et faisaient feu droit devant eux ; et ainsi, tout d'abord, en cercle, se faisaient face aveuglés par la flamme et par la peur, ils se fusillaient. Puis, des groupes entiers tiraillaient sur les groupes voisins qu'ils prenaient pour l'ennemi. Ce spectacle nous était extraordinairement amusant ; j'eus les premières fois beaucoup de peine à empêcher mes tirailleurs qui le contemplaient d'éclater en rires tonitruants ».
Un jour, Péroz capture un personnage malinké important, en chef marabout de la cour de Samory. Il se le fait amener, ils causent ; Péroz ne comprend pas qu'un homme d'une aussi haute intelligence s'entête à vouloir enlever une place défendue par les Français : « sur nous planait, de toute évidence, la protection de Dieu ».
Péroz devient capitaine, se marie en France, convainc le ministre de la Marine, celui des Affaires Etrangères et le sous-secrétaire d'état au colonies qu'il faut établir un protectorat sur les états de Samory. Il en reçoit la direction de la mission politique. En 1887, on signe le traité. Les provinces de la rive gauche du Niger deviennent françaises. La pénétration anglaise en Afrique Occidentale par la Sierra Leone est arrêtée à jamais. Péroz devient attaché à l'état-major général de la marine comme officier d'ordonnance du ministre ; il a des fonctions de cabinet et la coordination des renseignements sur les puissances de langues latines. Mais il participe à une nouvelle campagne en 1891, à Bordeaux : « Cuirassiers, chasseurs, spahis, cavaliers pleins d'entrain, heureux d'avoir enfin quelques certitudes de larges randonnées que terminent les charges à fond de train, après lesquelles, « le sabre, gras d'un sang encore chaud, rentre au fourreau avec un son mat ».
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