Pour terminer, Péroz raconte l'aventure boulangiste, en janvier 89 : Boulanger est nommé député. Péroz doit déblayer la place de la Concorde et les abords de l'Elysée de la population enthousiaste, et dégager la rue Royale. « Cris d'effroi, vociférations emplissent la rue » et à une heure du matin, la manifestation est dispersée (p. 433) : « dès qu'un inoffensif promeneur tourna à l'angle de la rue Royale, il était immédiatement happé par la bande qui le secouait durement . (…) A grand renfort de bourrades, de coups de pélerine sur les épaules et sur la tête, on l'interrogeait. Si ce traitement poussait le pauvre diable à des récriminations, son affaire était claire. Entraîné sous le péristyle, il recevait une homérique volée » (…) Les chapeaux haut de forme causaient aux défenseurs de l'ordre un plaisir particulier. A ce tournant redoutable de la rue Royale, une invincible tentation déchargeait à l'improviste les poings robustes sur ces bourgeoises coiffures ; sous le choc le cylindre se plissait d'un seul coup en accordéon(...) à la grande joie des policiers. Bien peu de passants osaient se plaindre d'un traitement si abusif. J'ai conclu de cette grande philosophie que le Parisien est de par sa nature extrêmement soumis aux fantaisies des représentants de l'autorité. »
Péroz prend le commandement
de troupes de Guyane. Là-bas, la vie se passe sans incident ;
jamais le bagne ne s'était révolté. Or, une nuit il reçoit un
télégramme qu'une révolte a éclaté aux Îles de Salut et les
surveillants ont été massacrés . Il embarque un peloton de soldats
et arrête la révolte. Les révoltés se rendent, mais trente-trois
d'entre eux se sont enfuis sous les bosquets. La battue commence. En
tête B, ancien anarchiste repenti. « Sous un manguier touffu,
une voix l'appelle par son nom ; Simon, dit Biscuit, se tient à
califourchon au-dessus de lui, la tête baissée, il implore :
sauve-moi. B : « mon vieux, crie « vive
l'anarchie » pour que je voie si tu es toujours un vrai
compagnon. » Le malheureux, dans sa fièvre d'espoir, croit à
l'épreuve véritable d'un complice méfiant ; il murmure, tout
joyeux, à mi-voix, comme dans un souffle, le cri qui doit le sauver.
Il n'a pas terminé qu'il s'abat sur le sol, les quatre membres en
croix, le crâne enlevé d'un coup de fusil ».
A la
Chambre des Députés, à Paris, on a évoqué la cruauté du
commandant suprême des troupes de la Guyane ! Or, Péroz est
indigné : il n'avait été avisé des incidents de cruauté que
plus tard !
C'est ainsi que se termine l'autobiographie de ce militaire.
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