Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.107

2./ Mémoires de Berthe Leroy racontés par elle-même. (247)

UNE AUTOBIOGRAPHIE .


A première vue, il peut sembler arbitraire de prétendre que l'autobiographie de Berthe Leroy dans laquelle elle raconte ses souvenirs de prostituée, fait pendant à celle du Colonel Péroz en ce sens que l'une et l'autre sont typiques d'une « carrière » féminine et d'une carrière masculine. Après tout, peu de Français étaient colonels ou prostituées au tournant du siècle. Mais il ne s'agit pas là de statistiques. Ce qui est à mettre en parallèle dans ces deux autobiographies, c'est la manière dont Berthe Leroy et le Colonel Péroz se perçoivent : à la première, l'humiliation, au second, la gloire.


Le père de Berthe Leroy était riche ; il était un ami de Dumas père, il a mangé sa fortune à la roulette de Baden-Baden. Il avait bien voulu reconnaître légitimement sa fille, mais peu après, il quitte la France pour la Russie et « nous oublia, ma mère et moi, sur le pavé de Paris » constate nonchalamment Berthe Leroy. Cette nonchalance se retrouvera tout au long du livre. La mère et la fille menaient une vie vagabonde : la petite fille se rappelle de plusieurs pères et oncles « d'occasion .» Tantôt elle est en pensionnat pour six mois, tantôt en garde chez une couturière. A douze ans, première communion. Le père rentre de Russie, il devient précepteur dans une grande famille russe et amant de la maîtresse de maison. Il emmène sa fille en visite dans cette famille : « on se levait à midi ». Lorsqu'elle rentre à la maison, sa mère se met en ménage avec un garçon de quinze ans. La mère vend ses meubles, va souvent au Mont de Piété, finalement elle devient gérante d'un hôtel rue Laffitte ; mais cela ne marche pas non plus, la mère vend ses bibelots aux blanchisseuses et à des filles de maisons publiques, où elle emmène Berthe avec elle. Puis elle loue la chambre meublée d'une cocotte «  où l'horizontale ne descendait que rarement ». C'est dans cette chambre que sa mère la met dans le même lit que Georges, le garçon de quinze ans avec qui elle vit. Le résultat en est que Berthe, à quatorze ans, perd sa virginité. Ensuite ils habitent un appartement riche où sa mère commence à pratiquer « le métier qu'elle continue depuis avec tant de succès ». Berthe est de nouveau en pension. Lorsqu'elle rentre en vacances, sa mère veut cacher devant sa fille la nature de ses occupations, mais Berthe comprend, « elle continuait assurément de vendre des bijoux, mais c'étaient des bijoux vivants et gigotants ». Une fois elle épie, à travers le trou de la serrure, sa mère et une jeune femme qui se déshabille. Sur ce, on sonne à la porte, arrive un monsieur de quarante ans, contemple la fille, paraît satisfait de son inspection et renvoie la mère de Berthe. La fille commence à danser devant l'homme qui reste assis. Il lui donne de l'argent et s'en va. « Le monsieur était la clé de voûte du Second Empire » ajoute Berthe, qui ne cesse de faire de fières allusions sur le haut rang des clients impliqués dans ses histoires). Mais d'autres personnes viennent, qui, eux, se déshabillent, un ministre de Napoléon III, des comtes et des comtesses . Elle prend l'habitude de guetter par la serrure : une fois, elle voit deux femmes et un homme faire l'amour. Elle est interloquée. Au pensionnat, elle a une amie, Micheline : « nous couchâmes régulièrement ensemble ». Sous la commune, les affaires de la mère marchent très mal : elle vend de nouveau des bijoux. Ils vivent à trois avec Georges : elle tombe enceinte. Un médecin lui donne un médicament pour éviter cette grossesse.


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