Les livres de morale se terminent souvent par des « lectures morales », histoires édifiantes. Il est surprenant de constater que leurs héros sont le plus souvent soit de pauvres gens pieux et modestes ( auxquels font pendant les méchants) soit des personnages historiques d'un passé lointain, soit encore des personnages célèbres de la noblesse, qui ont peu de choses en commun avec la vie urbaine moderne et avec le public auquel ils s'offrent comme modèle. Derrière les mots-clés éternellement rabâchés de ces histoires édifiantes se profile toujours un enseignement dilué de préceptes moraux charriés depuis des siècles, dérivés du christianisme et des modèles hérités des règles de conduite de la noblesse. Par exemple, pour exhorter les femmes à la modestie, voici l'histoire de Mme Dacier :(30) morte en 1720) . Mme Dacier était célèbre par ses ouvrages ; une fois, un savant allemand lui présente son album pour autographe. Elle voit les noms des plus célèbres littérateurs en Europe ; proteste ; elle n'oserait jamais mettre son nom ; enfin, elle marque « cette sentence d'un auteur grec : « Le silence est l'ornement des femmes ».
Pour louer la sobriété et la simplicité, voici l'histoire de « Simplicité dans les meubles (31). Le père de Louis XV, Duc de Bourgogne, en est le protagoniste : « On lui proposait d'embellir un appartement par des cheminées plus ornées et plus à la mode : comme il n'y avait point de nécessité, il aima mieux conserver les anciennes ». Cette histoire est suivie de « Simplicité dans les habits » :
« Charlemagne portait en hiver un simple pourpoint fait de loutre et une tunique de laine ; il mettait sur ses épaules un manteau bleu et n'avait pour chaussure que des bottines ou des sandales retenues par des bandes de diverses couleurs croisées autour de ses pieds ».
Comme si l'on franchissait des siècles d'un seul coup, voici les myriades de manuels de savoir-vivre éclos durant cette période qui nous transportent dans le présent et qui sont en fait les nouveaux livres de morale : ils dictent des conduites et des comportements minutieusement déterminés auxquels il importe d'être initié. Dans leurs conseils sur le maintien et sur les usages se glissent toujours des exigences moralisatrices.
Les règles de comportement de ces manuels amalgamées ensemble dans les pages qui suivent, afin de donner une image cohérente du modèle de comportement qui s'en dégage, sont riches de sens : chaque geste et chaque attitude corporelle, chaque règle de l'apparence en société dans telle ou telle circonstance est porteur de messages qui dépassent de loin les apparences.
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