Lorsqu'on est invité à un repas, il faut éviter de se mettre trop en avant. Il faut arriver à l'heure exactement fixée, offrir le bras gauche à la dame qu'on amène à table, et n'y aller qu'après la maîtresse de maison. Il est proscrit de remuer bruyamment sa chaise et de mettre la serviette de table au cou, mais il faut rompre le pain au lieu de le couper, manger le potage sans bruit, ne pas manger la viande à l'avance, ne pas ramasser la sauce avec du pain, ne pas porter le couteau à la bouche, ne pas prendre du sel avec son propre couvert, ne pas se faire entendre, c'est-à-dire faire du bruit en buvant ou en mangeant. Avant de boire, il faut s'essuyer les lèvres ; ne pas parler ni boire la bouche pleine. On ne doit parler aux domestiques que pour leur demander ce qui manque. Pour refuser du vin ou autre chose, il suffit d'un geste ou d'un signe. On accepte les plats offerts par les domestiques en silence ; il est superflu de les remercier. Le domestique tient le plat de sa main gauche. On change de fourchette après le poisson et de couvert après chaque plat. Les fruits doivent être pelés. Ne pas fabriquer des boulettes de mie de pain. Se servir du pince à sucre ; ne pas mettre du rhum ou du cognac dans le café. La blague à tabac est à proscrire... la liste s'allonge infiniment.
Ce qu'il faut surtout rechercher, c'est la distinction : « rien de plus recherché, plus envié, si ce n'est l'argent » (37). Cette distinction doit se montrer également dans l'art de recevoir :
« Le Cardinal Fesch a reçu deux grands turbots. Que faire ? Le maître d'hôtel a trouvé une astuce. Le premier turbot fut apporté et servi dans la soupe. Les domestiques se mettent à le découper, mais il tombe par terre ; sur ce le maître d'hôtel s'écrie : « Qu'on apporte un autre turbot ! »
Il y a naturellement « une distinction d'essence très haute » à laquelle tout le monde ne peut viser. Mais il existe une distinction qui est plutôt physique et qui est un don du ciel. « C'est ainsi qu'on s'entend généralement pour trouver qu'un homme grand, mince, droit portant bien la tête, ayant des traits plutôt allongés, une main fine, un pied étroit, a l'air plus distingué qu'un gros petit homme court et rond, au visage rouge, aux traits épatés avec de grandes mains et d'énormes pieds ».(38) Mais on peut acquérir de la distinction à la longue.
Dans la rue aussi, les grands gestes, le ton désordonné, le flux de parole, l'expansion sont déconseillés. Il faut laisser le haut du pavé ; on le laisse en particulier à une femme ou à une personne qu'on veut honorer. Il faut saluer sans précipitation, mais aussi sans tâtonnements. La poignée de main entre hommes sera énergique et virile ; entre femmes, la personne qui tendra la main, mettra dans son geste une sorte de timide retenue afin d'excuser la familiarité de l'acte. C'est toujours la femme qui tend la main en premier, excepté le cas où un homme marié tend la main à une jeune fille. L'homme offrira toujours le bras gauche à la femme. Dans l'escalier, il faut saluer tous ceux qui passent, mais lorsqu'on croise une dame, on peut soit attendre, soit se ranger contre le mur en se découvrant lorsqu'on est au milieu.
Voici, en dehors de la distinction, l'autre trait caractéristique qui se dégage de ces innombrables règles : il ne faut pas être comme les femmes. Par exemple, on doit avoir les ongles et les mains soignés. Mais « un homme qui semble tenir outre mesure à sa toilette est insupportable et ridicule (…). En général, les cheveux coupés ras sont plus virils ». L'abus des parfums est indigne d'un homme, bien que les jeunes gens soient tentés d'en user pour leur chevelure ou pour leur mouchoir. Quant aux bijoux, « Un homme, s'il ne veut passer pour efféminé, ne porte d'autre bague qu'un cachet et une alliance s'il est marié. Les pierreries sont déplacées sur les doigts masculins. Les femmes, à la rigueur, peuvent bavarder, mais « combien le potinage est odieux pour l'homme, combien d'hommes sur ce point sont femmes. »
Précedent (16) ... Suivant (18)