Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.18

Deux accessoires de la tenue vestimentaire ont une grande importance: les gants et le chapeau. On ne doit jamais sortir de chez soi non ganté. A Paris, un homme du monde ne sort qu'en chapeau haut de forme. Salva (39) raconte l'histoire suivante : un garçon ne voulait pas porter de chapeau. Un jour, il va chez son ami.

« Il s'entendit interpeller par le concierge au moment où il se disposait à monter l'escalier recouvert d'un épais tapis. « Eh ! Mon garçon, l'escalier de service est au fond de la cour ! » On l'a pris pour un fournisseur. Il quitta rapidement les lieux où il reçut une si cruelle leçon ».

Selon la Comtesse de Gence (40) « Le chapeau haut de forme qui, nous l'avons vu, est un chapeau de visite, est embarrassant et fragile ». Beaucoup de gens le portent avec gêne et ne savent qu'en faire. Certains même n'hésitent pas à la poser par terre à côté de leur siège ! Un autre usage consiste à passer sans cesse son chapeau haut-de-forme sur sa manche pour donner à la soie l'éclat du neuf. On doit tenir son chapeau à la main au-dessus des genoux, de façon à ce que la coiffe n'apparaisse pas.

Pour saluer, il faut soulever le chapeau et le retirer complètement, tout en ne l'abaissant pas au-dessus du niveau de l'épaule. Les chapeaux rigides s'enlèvent par le bord de devant, tandis que les chapeaux mous, les panamas, se prennent à poignée par la calotte. Lorsqu'on arrive en visite, on laisse le pardessus, la canne, le parapluie dans l'antichambre, mais on garde obligatoirement le chapeau sur soi ! Même lorsqu'on danse, le cavalier doit garder son chapeau, ce fragile emblème, sur soi, ou éventuellement le poser. De même, il faut rester ganté lorsqu'on danse...

En visite, il ne faut pas exhiber des couleurs voyantes ou des formes excentriques. Pendant la visite, il ne faut pas « figurer des arabesques sur le tapis » avec des cannes et des parasols. Les messieurs ne doivent pas sucer le bout de leur canne « ni s'en servir pour atteindre des objets, déchirer le tapis ou faire tourner leur chapeau ».

Aux soirées dansantes, on se fait présenter à la jeune fille pour danser. Il faut absolument observer ces présentations parce que sans elles « votre sœur pourrait danser avec un homme mal élevé ou votre mère en voyage converser avec un malotru » ((41). Lorsqu'on danse, on dit « Puis-je espérer l'honneur de danser avec vous ce soir ? » Le mot honneur doit toujours être prononcé. Et c'est ainsi qu'on s'engage dans la danse, ganté de blanc et chapeauté...

Les auteurs de savoir-vivre consacrent beaucoup de place aux règles de comportement à l'égard des inférieurs : la « possession » d'inférieurs est un facteur important de l'honorabilité bourgeoise.


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