SAVOIR-VIVRE AU FEMININ OU LE DESIR DE SOUMISSION.
En 1907 parut l'ouvrage extraordinaire de la Baronne d'Orchamps, Tous les secrets de la femme. (98) Il faut bien l'appeler extraordinaire, parce que tout en n'entrant dans aucune des trois catégories ci-dessus mentionnées ou plutôt en relevant de chacune d'elles, il contient une grande innovation en tant que savoir-vivre spécifiquement féminin : il découvre ou suscite l'épouse friande de sexualité, même vicieuse, vu la manière dont elle est décrite, contrairement à la majorité des autres auteurs de savoir-vivre qui présentent des mères de famille asexuées, virginales et respectables par opposition aux prostituées. Quelle que soit l'appréciation que l'on portera à son œuvre ( elle est également l'auteur de deux romans, La bonne manière (= de dépuceler sa femme), et Les deux frissons, publiés respectivement en 1907 et 1917 ) elle a le mérite d'appeler un chat un chat : de parler ouvertement de l'essentiel des rapports des hommes et des femmes de l'époque, à savoir de la soumission féminine, du désir de la femme de se laisser dominer et de se soumettre. Notons que le nom de la Baronne, par le plus grand des hasards rétroactifs, commence par un O : quelques décennies avant que l'histoire d'O n'ait vu le jour...
Comment est la femme et comment elle doit être ? La réalité et l'imaginaire s'amalgament avec une facilité déconcertante dans la description de la Baronne O, comme dans tant d'ouvrages de ce genre. Comment est la femme qui émerge de cette description et quels sont tous ses secrets ? Parmi ses traits caractéristiques qui se dégagent du tableau, un certain nombre sont très anciens et viennent des profondeurs des mythes collectifs ; d'autres sont par contre les innovations de l'auteur qui utilise la première personne du pluriel dans ses constatations ce qui les rend particulièrement suggestives et universelles.
Tout d'abord : nous n'avons pas l'esprit créateur ; bien que capables de s'élever jusqu'à la conception des idées générales, nous n'arrivons pas à planer sur des hauteurs et de nous y maintenir.
Nous recueillons plutôt des impressions, des nuances, que des notions scientifiques. Notre imagination se défraîchit en quelque sorte à embrasser des conceptions très vastes. Notre évolution dans la vie intellectuelle ressemble « aux capricieuses pérégrinations du papillon mobile qui se pose sur les fleurs au hasard des parfums ». Il ne faut pas que la femme envisage de lutter dans la vie avec la seule force du raisonnement : elle n'est pas un être de raison. Et l'auteur d'entamer une véhémente sortie contre le féminisme qui existait bel et bien en France à l'époque où elle écrivit son livre : le féminisme se repose sur l'idée erronée que le cerveau de la femme est entièrement semblable à celui de l'homme. Or, si nous sommes le sexe faible, c'est précisément parce que non seulement nos forces physiques sont moindres que ceux de l'homme, mais aussi à cause de notre cerveau plus faible.
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