La femme mariée, par contre, est l'allumeuse discrète, coquette, soumise, résignée, mais lascive. Elle déploie son art consommée de fascinatrice en secret. Mais en fait son « image » emprunte certains traits à la femme fatale : pour la Baronne, par exemple, il est indiscutable que la qualité physique la plus importante qui attire les hommes dans une femme, est la grandeur de la taille : « lorsque la femme grande a du tempérament et quelque charme extérieur, il est rare que l'homme qu'elle a distingué lui échappe. Lorsqu'elle est jolie et lorsqu'elle sait faire valoir son charme, la grande femme est irrésistible (…) ; Dans les rêves, les visions solitaires, c'est rarement une femme petite qui se présente à l'imagination masculine. C'est au contraire la beauté sculpturale robuste et opulemment développée, puissante évocatrice des luttes amoureuses et des pleines étreintes qui hante le cerveau de l'homme ». La société moderne accorde des privilèges à cette grande femme. C'est à elle que l'on réserve de préférence les emplois, car elle est plus décorative que la petite.
Cette allumeuse lascive a pour but dans la vie de mener une guerre – la guerre des sexes. La femme, dans cette guerre, doit user des armes de la séduction – armes non pas agressives, ouvertes, mais sournoises et secrètes. Elle doit maintenir les apparences, jouer : avant toutes choses se montrer désirable, attachante , belle gaie, saine, raffinée dans la façon de se donner et user de l'art de se promettre. Elle a une grande responsabilité : elle doit entretenir la sainte flamme – c'est-à-dire la flamme de l'homme, et ce jusqu'à à un âge avancé du mari. Elle pourra donc utiliser tous les artifices que lui suggérera son imagination : tous les moyens seront bons ; on lui pardonnera tout. Quels sont ces artifices ? Premièrement et surtout : allumer ! Allumer le désir de l'homme. Si la femme n'est pas naturellement coquette, elle devra faire des efforts en ce sens : « Poussez le désir, irritez-le, exaspérez-le si vous le voulez, mais ne vous avisez pas de le laisser battre en retraite sans en avoir tiré profit ». Elle doit mimer la bataille acharnée au sens strict du terme, en rassemblant toute la vigueur de ses muscles. Elles doit surveiller avec soin l'effet de ses baisers et de ses contact physiques. Car elle porte également la responsabilité des infidélités de l'homme : pourquoi n'a-t-elle pas su le retenir ? C'est pourquoi elle a également le devoir de lutter contre la rivale qui hélas erre sans cesse autour de nous. Une adresse infinie doit parer à ses attaques. Il faut garder son sang-froid dans cette lutte, ne pas menacer l'homme ; plutôt implorer. Les scènes, les orages sont généralement suivis de bouderie, de larmes, et l'homme finira par céder si s femme ne s'acharne pas trop : l'éternel remède fera l'affaire. (L'homme va-t-il congédier la rivale?)
En somme,il faut user d'armes tactiques : il faut savoir mener l'homme, le respecter, le flatter, allumer son désir, être toujours à sa disposition lorsqu'il veut faire l'amour et ne pas prendre au sérieux ses infidélités. Dans cette guerre il faut toujours adopter la position défensive, qui seule convient à la dignité de notre sexe. Cette dignité, par ailleurs, consiste à ne pas se livrer trop tôt, de retarder le moment de notre aveu le plus possible et n'être vaincues que par la force !
Précedent (45) ... Suivant (47)