L'homme aime qu'on flatte son orgueil, qu'on le loue ; il est jaloux des autres hommes en amour. Il ne faut pas lui en vouloir: il est le bienfaiteur de la femme : c'est lui qui la libère (c'est l'expression utilisée par l'auteur ) de l'ignorance sexuelle, en la déflorant. Il est vrai qu'il est infidèle, mais ce trait de caractère est organique chez lui ; il n'y peut rien. Evidemment, il y a des degrés dans l'infidélité : Don Juan, par exemple, est un type d'homme fréquent dans la société, mais il est redoutable : il faut le fuir. Il est souple et soumis, il s'humilie à souhait pour être aimé. Il s'insinue jusqu'à la complète possession. Il est vrai qu'il procure beaucoup de plaisirs, mais aussi des chagrins. Beaucoup de femmes le considèrent simplement comme une bête de luxe. Les autres hommes le méprisent.
Si l'homme s'adonne donc exclusivement à l'amour, fût-il Don Juan, il est méprisé des deux sexes : la maîtrise de soi – qui est le principal constituant de l'idée de force qu'incarne l'homme – lui fait défaut. Dès lors, il ressemble en quelque sorte aux femmes : il ne sait pas se contrôler, il est emporté par sa sexualité.
Nous désirons nous soumettre. Se donner, se sacrifier, c'est le rêve et le destin de la femme, car la vue de l'homme – ou plutôt celle de la force magique qui émane de lui – la fait fondre, défaillir de volupté et la jette éperdument dans les bras du Maître. « Sous le regard masculin, viril, intelligent et profond, sous ce rayon de volonté, d'admiration et de convoitise qui nous embrase au passage, ne sentons-nous pas notre propre volonté s'engourdir et notre cerveau déménager ? C'est dans ces moments-là que notre abnégation doit aller jusqu'à l'héroïsme ! « Songez donc à la catastrophe si, au regard masculin, vous n'avez pu vous défendre de répondre par un autre regard, si timide, si discret qu'il soit ! »
Dès lors, la femme est grisée de cette puissance : tout dépendra du Dominateur : nous sommes à sa merci, sa bouche voluptueuse et dominatrice est accolée à la nôtre, nous sommes physiquement subjuguées et pratiquement violées, en sentant « le choc insuffisamment amorti de sa chair triomphante contre le mystère inexploré de notre intimité. Les étreintes interminables et pénétrantes nous attacheront à jamais au libérateur adoré.
Voici le grand mot lâché ! Le libérateur doit cette appellation à son rôle d'initiateur de la femme le jour de la nuit nuptiale : moment suprême qui justifie sa domination pour la vie ( en dehors du Code Napoléon, qui traite la femme mariée en « incapable » tout comme l'aliéné et l'enfant mineur, mais cette incapacité juridique, selon le terme consacré, est permanente pour la femme tant qu'elle est mariée).(102) Ce jour-là, dès l'instant où il fait son entrée dans la chambre, la fiancée sent à la façon dont il s'approche d'elle, que cet homme-là la prendrait avec une aisance et une distinction hors ligne. Tel fut le cas de Lady Fulton dont l'ouvrage « Disclosures and secrets » sans références, est cité par l'auteur. Cette personne eut une nuit de noces réussie, car au lieu de tirer la couverture sur sa tête, elle avait voulu être prise d'un bout à l'autre. « Oh ma chérie, qu'il doit être glorieux pour un homme de posséder une créature aussi complètement que Henry me posséda ! Et si tu savais avec quelle douceur, avec quel tact, avec quelle ingéniosité il réduisit à néant toutes mes timidités ! Mon émotion a dû l'amuser infiniment et je me rends compte maintenant qu'il m'a maniée comme un petit instrument docile et qu'il s'est fait un jeu de tirer de moi mille effets dont je n'avais pas le sentiment. Je me suis pâmée trois ou quatre fois, puis, au lit, je fus en proie (…) à un désir non plus d'être prise, mais de me donner ».
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