Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.57

Par contre, cet apparent « désir de soumission » pourrait masquer réellement un désir de pouvoir. Il ne faut pas oublier que le seul moyen d'action que l'homme laisse à la femme à l'époque, est véritablement celui de plaire – et la seule reconnaissance qu'elle peut avoir, en dehors de la maternité – fugace – est également celle de sa beauté et de sa capacité de séduction.

Ce que l'on peut souligner encore : dans ce tableau peint par la Baronne d'Orchamp la plupart des thèmes mythiques concernant les femmes sont à des années-lumière de la réalité de 1900. Il est difficile de croire ce qu'elle y ajoute de son cru, c'est-à-dire le mythe de l'épouse bourgeoise sacrifiant tout à l'autel de la sexualité pour garder son mari et se soumettant aveuglément à lui, même si socialement et économiquement c'est là effectivement sa condition.

Mais la soumission ne peut jamais être aussi totale de la part de la femme que ne le suppose l'ouvrage de la Baronne d'Orchamps. Qui a jamais pu s'identifier entièrement à l'idée de n'être qu'un esclave ? C'est ici qu'entre en jeu l'espace de la honte : la honte n'existerait pas s'il n'y avait pas trouble.

« L'identité de la femme, ce n'est pas seulement d'obtenir l'égalité juridique et économique ( même si c'est capital) mais aussi se débarrasser de la honte et de l'humiliation millénaires qui pèsent sur le sexe féminin – impur, contaminé, dangereux ».(106, 107)

L'homme se définit aussi en méprisant la femme, qui, elle, est l'incarnation même de la honte. Si l'honneur est à l'homme, la honte est pour la femme. Elle est décrite de la tête aux pieds comme dans la définition du Larousse donnée plus haut, comme un être maladif dont la vie entière est dominée par ses cycles sexuels, par ses pertes de sang.(1 Jeune fille chlorotique, capricieuse, jeune femme luttant contre les pertes blanches, les inflammations, les grossesses, les accouchements, femme mûre affublée de ménopause, de cancer... horrible image d'un immense utérus, d'une « hystérie » qui l'envahit c'est cela la femme... (108)

Le femme n'est que son corps et ce corps est faible et défectueux : il est impur. Ce qui revient dans les traités d'hygiène sexuelle : il faut rester pur, en s'abstenant des femmes. La femme doit sans cesse se purifier, se nettoyer : la Baronne Orchamp consacre 250 pages de son traité aux nettoyages du corps et de la maison et 150 autres à la technique de la soumission amoureuse ; Surbled cité plus haut conseille de ne pas laver les organes sexuels pendant les règles, mais procéder à des grands lavages après. Par ailleurs il a consacré un chapitre entier à la pudeur et à la chasteté des femmes où il confirme que les femmes sont beaucoup plus pudiques et réservées que les hommes. C'est la pudeur seule qui les sauve ; de toute manière, elles sont inférieures à l'homme dans les autres domaines.


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