Max Scheler a consacré un livre à la question de la pudeur dans lequel il soutient la même chose, prétendant que la pudeur (féminine) a pour fonction naturelle de promouvoir la sélection dans la reproduction ( ne pas s'accoupler avec n'importe qui).(109) Quant aux hommes, selon Scheler, le sexe fort est beaucoup plus pudique sur ses sentiments, ses conquêtes et ses échecs !
Comparée à l'image de la « femme tentatrice » que devient ce mythe de la pudeur féminine?
Comment peut-on donc se voir en 1900 lorsqu'on est femme et qu'on lit les ouvrages cités ? Le moins qu'on puisse dire c'est que l'image qu'on lui renvoie d'elle-même est paralysante. Et la femme de la fin du siècle était effectivement comme paralysée. Les ouvrières s'évanouissaient tout le temps dans les usines à cause de l'air vicié, mais à la même époque les bourgeoises s'évanouissaient également plus souvent que de nos jours, que ce fût dû au port du corset ou non.
Paul Doumer a conseillé à ses fils : fais ce que dois ! Or, Kant l'avait déjà dit : tu dois, donc tu peux ! Mais la femme ne doit pas ; elle n'est chargée d'autre devoir que d'accoucher et de purifier : comment pourrait-elle ? Il faut souligner ici une fois de plus la force avec laquelle les écrits façonnent les mentalités – l'habitus des femmes.
LES PROSTITUÉES
En guise d'avertissement aux jeunes gens, Desmons (110) peint le tableau de la prostitution.
Pour quelle raison devient-on prostituée ? Il y en a trois : la première catégorie des prostituées se compose d' »hystériques sensuelles dont les organes génitaux sont, au moindre attouchement, le siège de sensations voluptueuses (…) leur cerveau semble sécréter la lubricité ». Deuxièmement, elles deviennent prostituées par manque de courage, paresse, oisiveté, vanité, coquetterie, maladie. Enfin, il y a celles, orphelines, domestiques séduites, qui y viennent par la misère.
Comment sont-elles ? « La conversation avec une prostituée est presque nulle et ne peut véritablement mériter ce nom ; ces malheureuses ne peuvent causer que de sujets lubriques qui hantent leur esprit ». Elles ont un caractère distinctif, un certain sentiment de pudeur vis-à-vis des hommes qui sont en contact avec elles et qu'elles doivent respecter ; par exemple, quelques-unes rougissent à la visite du dispensaire de salubrité. La prostituée, selon Desnos, est une coquette sale. Bien que sa robe soit généralement d'une couleur éclatante, la doublure en est presque toujours pleine de taches et décousue ; ses dessous sont garnis de dentelle, mais ils sont sales ; ses cheveux sont frisés, mais non démêlés ; elles est gourmande et boit beaucoup ; elle fume également « ce qui contribue à leur donner cette voix éraillée qui leur est spéciale, affection que l'on a dénommée laryngite à crapula. Le mensonge, la jalousie, la colère ont cours dans les bouges infects où elles se réunissent.(111).
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