Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.69

Proal pense que la susceptibilité des enfants s'est accrue, qu'ils ressentent davantage les humiliations qu'avant, car nous sommes dans une société où souffle un vent d'anarchie, où l'idée de liberté tourne les têtes. De jeunes domestiques qui s'étaient suicidés, laissent des lettres dans lesquelles ils disent qu'il était si humiliant de servir que la mort était préférable. Un ouvrier dit dans sa lettre que celui qui travaille sous les ordres d'un maître est un esclave. De jeunes apprentis quittent la maison paternelle car ils ne s'y sentent pas assez libres. C'est parce qu'il souffre dans son orgueil plus que dans son corps que l'enfant est irrité de la punition qu'il reçoit : elle l'humilie. Cette humiliation cause à certains enfants une souffrance intolérable, lorsque la punition est donnée devant des camarades, dont ils redoutent les sourires moqueurs. Les punitions humiliantes, telles que la mise à genoux, avec des écriteaux ou le bonnet d'âne devraient être proscrites. Mais la loi ne tient pas compte des vœux de Proal : la Gazette des Tribunaux du 28 février 1906 écrit, dans un compte rendu de l'audience du 24/2/1906 de la Cour de Cassation :

« Si la qualification « âne » par lui-même a un caractère injurieux, il perd ce caractère dans le cas où il est appliqué par un instituteur public à un élève qui ne corrige pas son travail après les explications données en classe, dans l'espèce par un instituteur qui avait écrit sur le cahier dudit élève : « vu, cet enfant est un âne ; il ne corrige même pas son travail. »

L'enfant est souvent injustement puni par ses maîtres et de plus, taquiné et raillé par des méchants camarades. « M.D., vous avez 50 lignes à copier ». « Mais Monsieur, je vous jure que ce n'est pas moi » répond l'élève qui est en effet innocent. «  Vous répliquez ; je double la punition ». Après les vacances, il y a toujours beaucoup d'élèves qui se tuent à la rentrée à l'internat, au lycée.

Les parents doivent donc ménager les enfants, selon Proal, qui ne sont plus comme jadis, qui supportent moins bien les humiliations : pour éviter ces actes de désespoir, les parents doivent s'abstenir des corrections manuelles, ne pas permettre aux aux professeurs de battre leurs enfants et renoncer eux-mêmes aux brutalités encore si fréquentes. Le temps est passé, du moins en France, où les enfants acceptaient la maxime biblique : qui aime bien châtie bien. Si la Bible recommande l'emploi des verges pour corriger les enfants, c'est sans doute parce que chez les peuples primitifs les enfants plus robustes avaient la tête dure et les reins solides et que leur esprit, moins fier et moins susceptible, n'attachait pas de caractère dégradant à la punition... (139)


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