L'HONNEUR DES HOMMES
L'honneur, substantif masculin en français, se présente comme l'extrême d'un couple dialectique lequel a pour autre extrême la honte. Devrait-on définir l'honneur comme l'absence totale de la honte ou inversement ? En tout cas, selon les époques et les lieux, des règles de conduite strictes circonscrivent l'honneur lequel a pourtant un contenu insaisissable, immatériel ; il s'apparente à « l'âme » : il est une idée métaphysique, il représente la valeur de l'homme, ce qu'il a de meilleur en lui.
SOYEZ AMBITIEUX .
Malgré sa brièveté, un texte résume de manière frappante les visées de l'enseignement secondaire en France à la fin du 19ème siècle : il s'intitule Soyez ambitieux !(11) Selon l'auteur, le monde est un vaste théâtre où quelques hommes seulement, grâce à des qualités supérieures, ont pu diriger les événements et ce sont eux qui ont fait l'histoire. Pourtant, le champ de conquête existe pour celui qui, né pour diriger, veut être à la hauteur de sa mission... « S'élever au-dessus du vulgaire (…) devenir quelqu'un dans le sens le plus élevé de ce mot et obtenir ainsi une influence sociale qui lui permettra d'imposer à d'autres ses pensées et sa direction propre ». Le futur « pasteur des peuples » doit être guidé par des motifs supérieurs.
Ce droit est en même temps un devoir : les élèves ne sont pas libres de renoncer à ce rôle d'apôtre qui leur est imparti : Dieu les a comblés de faveurs, telles que « naissance dans une famille dont les traditions d'honneur et de vertus sont depuis longtemps établies ». Il leur faudra donc payer : diriger est un devoir. Cette dette existe non seulement vis-à-vis de Dieu, mais aussi vis-à-vis de la société ; elle est la contrepartie du fait que les pauvres gens travaillent pour les privilégiés.
Et l'auteur d'ajouter encore quelques conseils aux futurs missionnaires de l'esprit : « soyez ambitieux (…) travaillez avec un noble et constant désir de succès (…) soyez ambitieux dans le choix de votre carrière (…) n'oubliez pas que plus votre situation sera élevée, plus votre autorité sera grande. Magistrat aux grades supérieures de la hiérarchie, officier, chef d'usine... vous aurez à faire pour établir votre supériorité de longs et pénibles efforts .»
Paul Doumer, vers la même époque gouverneur général de l'Indochine, écrivit en 1906 Le livre de mes fils, (12) lequel, étant donné la position de l'auteur, s'adresse en fait à tous les Français comme à ses enfants. Le livre est divisé en deux parties : « L'homme » et « La famille et la patrie ». L'homme doit posséder volonté, caractère, courage, une culture intellectuelle, être maître de soi et s'adonner au devoir. L'idée du devoir est inné chez l'homme : « fais ce que dois ! » Hélas, la grande masse est composée de faibles volontés, d'esprits irrésolus. Pour qui commande à des soldats, gouverne des citoyens, ordonne à des sujets, l'esprit de résolution est la qualité essentielle. On doit être courageux sur le champ de bataille, sinon on est un lâche. Le suicide est le plus souvent une lâcheté, sauf lorsqu'il peut sauver du déshonneur. Une fois que nous avons perdu l'honneur il ne peut jamais plus être reconquis : et dans ce cas seulement, le suicide est justifié.
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