Suzanne Horvath

Accueil L'histoire de la honte Les romancières hongroises
Une histoire d’honneurs et de hontes - p.71

Comment prévenir donc les suicides d'enfants ? Le suicide, d'après Proal, n'est pas fatal : il est vrai que sa cause première est la débilité cérébrale, la dégénérescence et l'hérédité. Mais on peut du moins prévenir les causes secondaires : les punitions brutales, le surménage intellectuel, la surexcitation de l'orgueil et de l'ambition. Car Proal reproche également aux parents de poursuivre l'instruction des enfants à tout prix à cause de leurs propres ambitions : «  Des parents d'une condition très modeste qui n'ont pu s'élever eux-mêmes rêvent pour leur fils de succès dont l'éclat rejaillira sur eux ». Ambition démesurée tourne les têtes : beaucoup de suicides d'enfants ont pour cause cette ambition des parents. Il faut donc adapter l'instruction et la carrière des enfants à leur aptitude naturelle et, surtout, surtout, à leur condition sociale. On fabrique trop de bacheliers, de docteurs, de diplômés, et pas assez de cultivateurs, de commerçants, d'industriels. On surexcite les ambitions : « Il est dur pour une jeune fille instruite d'être femme de chambre, le service lui pèse, elle le trouve humiliant ; quelquefois elle aime mieux mourir que servir ». (143). Mieux vaut donc ne pas instruire les jeunes filles de peur qu'elles souffrent trop : « J'ai observé plusieurs suicides de jeunes filles (…) elles s'étaient donné la mort parce que leur éducation supérieure à leur humble condition était pour elles une cause de souffrances insupportables ». (144) Et nous en venons maintenant à l'essentiel, le message que Proal veut nous communiquer : « La mentalité de l'enfant influant sur sa sensibilité à la douleur, il est très utile de lui enseigner la résignation aux maux véritables ».Le but de ce livre est d'enseigner la résignation, , c'est-à-dire la capacité d'endurer les humiliations, de savoir « se tenir à sa place », d'assumer la quantité de honte qui est impartie... Il ne s'insurge que contre la quantité trop forte, insupportable, des humiliations distribuées. Il prône la résignation, vertu démodée aujourd'hui :

« A une institutrice qui disait qu'elle enseignait la résignation aux enfants pauvres, j'ai entendu à la Sorbonne M.B., professeur titulaire de la chaire de la Science de l'éducation (…) répondre avec véhémence : « il ne faut pas que les enfants soient résignés » (145).


Cependant, Proal croit qu'il est plus sage de leur apprendre la résignation que la révolte. La résignation rend la douleur plus supportable. La révolte contre l'inévitable est puérile et ne fait qu'exaspérer la douleur... « Devant la souffrance, il y a deux attitudes : la résignation qui adoucit et la révolte qui aigrit ; et on sait cela depuis les temps préhistoriques ».(146)


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